Le rapport de la mission parlementaire sur la filière du recyclage papier contient des propositions intéressantes mais passe sous silence un élément clé : l’amélioration de la compétitivité des entreprises papetières
La mission d’information parlementaire consacrée à la filière du recyclage du papier a remis le 27 janvier 2021 son rapport à la Commission du développement durable de l’Assemblée Nationale. COPACEL souhaite remercier vivement pour leur écoute les membres de cette mission, qui se sont impliqués fortement depuis le mois de septembre 2020 sur ce sujet important pour l’industrie papetière française.
Le fait déclencheur de cette mission est le constat de la fermeture en 2020 de l’usine UPM Chapelle-Darblay, située à proximité de Rouen, et dont la raison d’être était la production de papier journal à partir de papiers à recycler (journaux et magazines usagés…), principalement issus de la collecte sélective municipale. Cette fermeture, qui a notamment comme conséquence de supprimer un important débouché permettant la valorisation des papiers à recycler, a conduit la mission à s’interroger sur les mesures concrètes qui pourraient être mises en oeuvre afin, au-delà du cas de cette usine, d’accroître l’utilisation en France de papiers et cartons destinés au recyclage.
COPACEL soutient avec vigueur cet objectif d’augmentation du recyclage en France des déchets de produits constitués de fibres de celluloses, persuadée qu’il est largement préférable, pour des raisons économiques, sociales et environnementales, de les valoriser sur le sol national, plutôt que de les exporter ou de les éliminer (mise en décharge, incinération).
Certaines des recommandations sont ainsi positives, comme celle (n°1) visant la réalisation d’études sur l’impact environnemental des media électroniques (versus celui de documents imprimés), ceci afin de mettre en évidence que la « dématérialisation » n’a de « dématérialisé » que le nom, ou encore cette autre (n° 9), visant à rappeler aux entreprises de tous secteurs leurs obligations de tri des déchets papetiers. COPACEL note également avec intérêt que ce rapport rappelle l’exemple remarquable que constitue l’industrie papetière en matière d’économie circulaire, tant par l’usage responsable d’une ressource naturelle renouvelable (le bois), que par sa performance en matière de recyclage : le taux de recyclage de notre industrie s’approche ainsi de 80 % en 2019.
Le rapport commet cependant une erreur d’analyse en considérant que des mesures incitant à l’usage préférentiel de produits recyclés résoudraient le problème que constitue l’excédent de collecte de « vieux papiers » par rapport aux capacités de recyclage existant sur le territoire national. Ainsi, la mission suggère d’imposer des taux d’incorporation croissants de fibres recyclées dans les papiers graphiques (n° 3) ; d’augmenter les bonus applicables aux papiers recyclés dans le cadre de l’éco-contribution (n°2) ; ou encore invite les collectivités à systématiquement utiliser du papier bureautique recyclé (n°4) et à ne consommer des produits issus de forêts gérées durablement que « en solution de repli ». Sur la même thématique, il est également recommandé d’inviter la presse à utiliser davantage de papiers recyclés (n° 16) ou de mettre en place une campagne visant à ce que les consommateurs se satisfassent de papiers moins blancs (n° 19).
Ces différentes mesures, qui ciblent le développement des produits recyclés, méconnaissent les enjeux techniques et environnementaux de la production papetière. À titre d’exemple, une politique d’achats publics de papier bureautique recyclé ne résoudra pas la situation d’excédents de collectes des collectivités locales, pour la simple raison que les « vieux papiers » issus de la collecte municipale ne sont pas utilisés pour produire du papier bureautique recyclé. La mesure proposée incitera donc à importer du papier recyclé, aux dépens d’un papier à base de bois produit en France et présentant une haute performance en matière d’économie circulaire.
Rappelons de surcroît que cette question de l’encouragement de l’utilisation de papiers recyclés a fait l’objet de débats dans le cadre de la rédaction de la loi anti-gaspillage pour l’économie circulaire, dite AGEC (février 2020), et que des points d’équilibre ont été trouvés.
Par ailleurs, alors que le corps du rapport relève la complémentarité qui existe entre les fibres directement issues du bois et celles qui sont recyclées, et mentionne à juste titre que « la fragilisation de l’industrie papetière constitue une menace pour la filière bois », les recommandations ne tirent nullement les conséquences de cette nécessaire recherche d’équilibre. Le rapport précise d’ailleurs que, sur le plan environnemental, et notamment au regard du changement climatique, le papier recyclé n’est pas préférable à celui issu de fibres vierges.
Enfin, et c’est certainement la lacune principale du rapport, la question de la compétitivité de l’industrie papetière n’est qu’effleurée, alors même qu’il s’agit d’un élément central : la situation que connaît notre pays est liée à des problématiques structurelles (déclin de l’usage du papier graphique, fermeture des frontières chinoises aux déchets européens) qui conduisent à des choix d’investissements ou de restructurations en Europe, choix effectués aux dépens de notre pays, moins compétitif que ceux dans lesquels l’industrie papetière se maintient ou se développe. Comme le souligne Philippe d’Adhémar, président de COPACEL : « C’est par l’amélioration de la compétitivité des entreprises et le développement des capacités de production de l’industrie papetière que notre pays sera en mesure de valoriser davantage de papiers et cartons collectés et triés ».